Home > Partenariats > Retour sur la 10ème marche de l’amitié, initiée par Alain Gauvrit

 

Pour ne pas oublier le combat d’Alain, pour aider le combat des malades et de leur famille, Françoise Gauvrit aidée par l’association Le Gua Loisirs détente, par la mairie  et par de fidèles partenaires a réuni le 31 Mars plus de 180 participants qui se sont mobilisés pour collecter des dons en faveur de la Fondation Thierry Latran et des Papillons de Charcot.

Nous souhaitons remercier vivement chacun des acteurs de cette magnifique marche.

L’amitié a permis de réchauffer les cœurs malgré un temps quelque peu glacial. Des marcheurs ‘Papillons’ étaient présents autour de Florian,  même le chien a été mis à contribution pour cette marche.  Florian combat la SLA au jour le jour.

« Notre amour est notre force » cette phrase extraite du discours de Peggy à lire ci-dessous reflète bien, il me semble, l’esprit qui anime la « marche de l’amitié »,

« Notre amitié est notre force », c’est tous ensemble que nous réussirons !

Peggy est venue cette année encore livrer un témoignage qui bouleverse,  témoignage à partager pour que l’urgence de notre combat soit enfin reconnue pour la recherche comme pour la prise en charge des malades.

«  Jeudi 29 mars, 22h30, impossible de trouver le sommeil…La semaine a pourtant été longue, je suis épuisée par le rythme que la maladie nous impose et pourtant, j‘ai les yeux grands ouverts et les mots se bousculent

L’année dernière, pour la 9è marche de l’amitié, je me demandais « comment accepter l’inacceptable». Aujourd’hui, je n’ai toujours pas la réponse. Je trouve cette maladie toujours autant injuste, cruelle, violente, et je ne la souhaite à personne, même pas à ma pire ennemie…

Pour commencer, quelques nouvelles de maman : cela fait un peu plus d’un an qu’elle a été diagnostiquée… un papillon de plus est arrivé dans la famille. 

Elle ne peut plus s’habiller et se laver seule ; elle est nourrie pas gavage 6h/j depuis 15 longs mois. Plus de repas en famille, tout ça est bien fini, et il ne se passe pas une journée sans que l’on se sente coupable de manger devant elle, surtout quand elle reste debout près de la table, les yeux dans notre assiette. Son long soupir nous fait comprendre à quel point cela lui pèse de ne plus pouvoir manger.

Elle n’a plus de force dans les bras : ils restent la plupart du temps inertes le long de son corps. Elle les bouge uniquement pour se nettoyer la bouche… 

La déglutition n’existant plus, maman laisse échapper sans cesse des sécrétions, qui la gêne pour respirer. Parfois, nous l’entendons gémir un peu plus fort que d’habitude, la panique monte, elle étouffe… l’air ne peut plus rentrer, les voies aériennes sont trop encombrées… elle devient rouge, lutte, essaie de reprendre son souffle, et nous, nous sommes là, devant elle, impuissants… que pouvons-nous faire ? La violence de la scène nous laisse échapper des larmes ; nous sommes obligés de sortir, pour se vider, on pleure un bon coup, pas devant elle… ça fait du bien…

Désormais n’ayant plus aucune force pour tenir un stylo, la communication entre nous est inexistante, tout passe par le regard… un regard vide, plein de tristesse, d’interrogations, de douleurs… seuls des gémissements nous font comprendre qu’elle souffre, qu’elle en a assez, nous en avons assez… Nous sommes si impuissants face à sa détresse. 

Plus de « je t’aime », même par écrit. Plus de bisous. Elle pose juste un bras à notre taille pour nous monter qu’elle nous aime. Une main fébrile se pose sur ma tête, me caresse les cheveux, c’est ma maman… je ferme les yeux et je pense à elle, à avant… sa voix, son rire que j‘ai oubliés, tous ces bons moments passés ensemble, avant elle, la SLA… 

Depuis quelques semaines, elle ne peut presque plus s’asseoir ou se relever seule d’une chaise, elle a souvent besoin de notre aide; idem pour aller aux toilettes. Pourtant, en septembre dernier, elle conduisait encore… 

La maladie avance vite, trop vite. Ses déplacements sont de plus en plus lents, son souffle toujours plus court. Les distances parcourues doivent être calculées à l’avance pour lui éviter tout encombrement des voies aériennes. Chaque sortie nécessite désormais d’emmener un appareil à aspiration, qui à chaque crise d’étouffement, lui sauve la vie.

N’ayant plus aucune force dans son cou, elle marche péniblement, tête basse, les épaules rentrées, le dos courbé, les yeux rivés sur ses pieds. A chaque fois qu’elle veut se redresser, cela lui demande un énorme effort, souvent accompagné d’un gémissement de douleur. Elle ne garde la tête droite que quelques minutes, et d’un coup, relâche tout. Depuis quelques jours, nous avons commencé à lui proposer de se déplacer grâce à un fauteuil de bureau, une façon douce de lui montrer le chemin vers LE fauteuil, celui qui nous fait tant peur, car il représente une des dernières étapes dans la progression de la maladie…

La vie de maman n’est autre qu’un enfer. Malgré tous nos efforts pour la faire rire, elle passe le plus clair de son temps déconnectée, les yeux vides, sans aucune émotion. Nous comprenons pourtant dans ses regards à quel point il est important pour elle que nous soyons à ses côtés… 

Elle a la chance d’avoir autour d’elle des personnes dévouées, aimantes, ce sont nous, ses enfants, son compagnon, on nous appelle dans le jargon médical « les aidants familiaux ». On nous parle souvent de courage, on nous admire parfois pour notre combat, mais si seulement ces personnes savaient l’enfer que l’on vit tous… Maman souffre, dans son corps, dans sa tête. Et nous, nous souffrons avec elle. 

Quand elle pleure et que rien ne la console, que même tout mon amour ne suffit plus, je me sens désarmée. J’absorbe sa douleur, la ressent, et souvent, je fonds en larmes de ne pas pouvoir faire plus pour la soulager. Je suis pourtant bien consciente que le maximum est fait, en tout cas, de notre part…

Semaine chargée, entre boulot, maison, enfants et quand vient le WE, nous prenons la route et nous rejoignons maman et son compagnon, histoire de lui donner un coup de main et lui laisser la possibilité de respirer et se poser un peu. Car dans notre malheur, comme si la SLA ne suffisait pas, maman a développé une démence, qui complique tout au quotidien. 

Depuis plus d’un an, c’est la maladie qui décide pour nous tous : elle nous impose quoi faire, où aller, ou pas, et à chaque fois, elle a le dernier mot.

Maman a besoin sans cesse de quelqu’un près d’elle, ne serait-ce que pour la désencombrer, et ce, presque toutes les heures, parfois plus. Le jour, mais aussi la nuit. Nous nous sommes équipés d’un baby-phone pour entendre ses gémissements. Même morts de fatigue, il faut se lever jusqu’à 5 fois voire plus ; si on ne l’entendait pas, ses minutes seraient comptées.

Nous sommes tous fatigués, voire épuisés, mais impossible pour nous de laisser tomber. Je suis révoltée, dégoutée, les mots me manquent pour exprimer ma colère et ma peine. 

Vous vous demandez peut-être si on nous aide dans ce combat ? La réponse est « non » : nous sommes seuls, et plus la SLA avance, plus la vie de maman est compliquée à gérer, et plus nous sommes seuls. 

Aucune aide à part le passage quotidien des infirmiers qui passent lui brancher son alimentation, et une auxiliaire pour l’hygiène. Cela représente environ 2h grand maximum de relais /j pour que nous puissions, nous, les aidants, souffler un peu. 

Le médecin traitant ne s’est encore jamais déplacé au domicile, jamais ! Je pense et suis même sûre, que j’en connais bien plus que lui sur la SLA et les gestes médicaux que cela implique.

Aujourd’hui, maman ne touche que 500€ de retraite.

L’état s’est aperçu qu’il avait fait une erreur : une aide nous a été accordée, puis retirée, car ces aides financières se cumulent mais se déduisent m’a-t-on dit. Je n’ai toujours pas compris ce que l’on voulait m‘expliquer. En tout cas, nous devons rembourser presque 5 000€. Etant dans l’incapacité de payer, on nous a tout simplement supprimé l’aide des aidants familiaux, le temps que le dû soit réglé. C’est pourtant grâce à cette somme que nous aurions pu envisager de prendre quelqu’un.

Ma sœur a été obligée de prendre une semaine de vacances pour veiller sur maman, puisque son compagnon devait s’absenter. Depuis son retour chez elle, elle est complètement perturbée. Elle continue de se lever la nuit, pense à maman et se torture l’esprit en se disant qu’elle pourrait faire plus. Je la rassure en lui disant qu’on est au maximum et que ce n’est pas de notre faute si aujourd’hui, maman n’a pas toutes les attentions qu’elle devrait avoir.

Cet été, nous sommes tous dans l’incapacité totale de la garder. J’ai fait des démarches auprès de maisons de retraites qui me répondent que l’état de santé de maman est trop préoccupant, trop avancé, et qu’elles n’ont pas les moyens humains de l’accueillir. Si j’appelle le centre SLA dont elle dépend, il me répondra que son état de santé n’est pas assez avancé pour une hospitalisation. Trop malade, pas assez, trop jeune, les portes se ferment devant nous, une à une, et nous sommes encore seuls, à mener ce combat, injuste et perdu d’avance. La seule possibilité qui s’offre à nous, c’est une maison de repos située en Bretagne ou dans le Pays-Basque. Séparés par 600km, nous ne pourrions pas aller la voir très souvent. On sait aussi qu’en faisant ce choix de placement, nous allons lui enlever les seuls repères rassurants qui lui permettent de trouver la force de vivre, malgré tout. La culpabilité est toujours présente dans les décisions que nous devons prendre, mais la maladie décide pour nous, encore une fois… Pour résumer, si nous ne pouvons plus nous occuper de maman, elle sera seule, abandonnée, seule contre la SLA …

L’unique réconfort que nous avons trouvé est auprès des personnes de l’association des Papillons de Charcot, que je remercie encore pour leur dévouement. Une association de gens extraordinaires, qui nous accompagnent comme ils peuvent. Ce sont souvent des personnes qui ont elles-mêmes vécu la détresse, la douleur et la solitude. Je vous remercie tous, Odile, Thierry, Isabelle, Willy, Françoise et les autres. 

La cruauté de la maladie nous a rapprochés, nous a permis de créer des liens ; une expérience humaine unique, où dans un monde d’égoïstes, des personnes se sont rapprochées pour se soutenir et mener ce combat. Je me suis promis de poursuivre cette tâche et je l’accomplis déjà aux côtés de Bruno, récemment diagnostiqué près de chez moi. J’essaierai autant que possible d’être là pour lui, comme on est là pour moi…

Nous ne savons pas comment tout cela va évoluer. Nous ne sommes pas prêts à affronter la suite, encore moins la fin… A chaque étape, on se dit qu’on est arrivés au maximum de ce que l’on peut endurer, et pourtant, on  arrive toujours à trouver la force de l’accompagner, malgré toute l’atrocité de cette maladie. Il ne s’agit pas là de courage, mais d’Amour. 

Malgré les mésententes et les disputes du passé, on est aujourd’hui liés à jamais pour faire face à la SLA, cet Amour, c’est notre force. »

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