Accueil > Maladie de Charcot > Actualités en recherche > Congrès international Sydney : le résumé des communications, janvier 2012

Dr Pierre-François Pradat (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), Dr Valérie de Broglie (Fondation Thierry Latran, Paris)

Le 22ème congrès annuel  international de l’association anglaise la MNDA (Motor Neuron Disease Association) s’est tenu à Sydney en Australie fin 2011 regroupant plus de 600 chercheurs venus de 33 pays. Il s’agit d’une plateforme exceptionnelle de présentation des derniers travaux et de discussion entre scientifiques, tous dédiés à la lutte contre les maladies du motoneurone.

Nous vous présentons une synthèse sur nos deux thématiques phares : la recherche d’un biomarqueur et la recherche thérapeutique.

I) Biomarqueurs : Des avancées concrètes et la révolution de l’imagerie

Un biomarqueur est un outil de mesure objectif qui reflète soit processus biologique normal ou pathologique soit  une réponse pharmacologique à une intervention thérapeutique. Il est possible de distinguer différents types de biomarqueurs : diagnostiques (permettant de caractériser la maladie précocement), phénotypiques (permettant de distinguer les différentes formes cliniques de la maladie), ou encore évolutifs (d’une importance capitale pour le suivi des essais thérapeutiques). (Voir également article sur le site internet, rubrique actualités scientifiques).

Les pistes de recherche concernent des modifications de paramètres dosables dans le sang grâce à une simple prise de sang,  dans le liquide céphalo rachidien lors  d’une ponction lombaire ou encore dans le muscle grâce à une biopsie. Les chercheurs européens conscients de l’importance cruciale de la mise en commun des données scientifiques pour trouver un biomarqueur ont lancés un projet d’envergure coordonné par Leonard H. van den Berg,  Utrecht, Hollande appelé SOPHIA pour Sampling and biomarker OPtimization and Harmonization In ALS and other motor neuron diseases. Les données de patients de 16 centres dans 12 pays seront inclues dans cette base de données qui sera unique au monde.

De grands progrès viennent de l’imagerie qu’il s’agisse de paramètres issus de l’imagerie cérébrale ou encore de l’imagerie de la moelle épinière.

L’imagerie est un domaine en plein essor grâce aux progrès technologiques, ce qui explique que son importance devienne considérable pour la SLA. Le Pr Martin Turner (Université d’Oxford, Angleterre) a présenté le projet international NISALS pour NeuroImaging Symposium in Amyotrophic Lateral Sclerosis. Une première conférence a eu  lieu à Oxford et a conduit à la publication dans la prestigieuse revue Lancet Neurology d’un socle commun de méthodes d’imagerie considérées comme particulièrement pertinentes pour la SLA. Sur le modèle de ce qui a été fait dans la maladie d’Alzheimer, l’objectif a été de constituer une base de données permettant de stocker les images obtenues dans les différents centres participant au consortium. La base de données est déjà mise en place et peut être enrichie par internet, de façon anonyme et sécurisée. L’analyse de cette base de données devrait permettre de déterminer les paramètres d’imagerie qui sont les plus adaptés pour le diagnostic et le suivi des patients.  Martin Turner a expliqué que la  l’imagerie moderne n’est plus seulement un outil qui produit des images et qui permet de « photographier l’intérieur du corps » mais que grâce aux avancées technologiques nous disposons de paramètres dont les modifications sont associées à des perturbations cellulaires.

Il en est ainsi, de l’imagerie de diffusion qui analyse les mouvements des molécules d’eau. On a montré que la neurodégénerescence modifiait la façon dont les molécules d’eau circulaient entre les axones. Les molécules d’eau qui lors d’un fonctionnement normal tendent à suivre l’axe des axones, ont tendance à perdre cette direction préférentielle lorsque les axones sont détruits.

L’imagerie dite « fonctionnelle » permet d’accéder non plus seulement à la structure mais aussi au fonctionnement du cerveau.

Par ailleurs, l’intérêt de l’imagerie de la moelle épinière a été souligné pendant le congrès. L’imagerie cérébrale permet d’avoir accès à l’atteinte des axones provenant des régions motrices dans le système nerveux central. L’imagerie médullaire a l’avantage potentiel de pouvoir détecter également l’atteinte des motoneurones situées dans les cornes antérieures de la moelle épinière. Elle fournit donc un grand nombre d’informations qui ne sont pas accessibles par l’imagerie cérébrale classique.

Une étude a montré des corrélations entre anomalies mesurées par imagerie et le déficit moteur.  Les auteurs ont  analysé au niveau de la moelle cervicale  de nombreux paramètres d’imagerie chez des patients souffrant de SLA et chez des sujets témoins (PF Pradat et coll, Paris). Ce travail fait partie d’un programme plus large soutenu par l’IRME (Institut pour la Recherche sur la Moelle Epinière) et l’AFM (Association Française contre Les Myopathies) qui a pour but d’évaluer de nouvelles méthodes d’imagerie de la moelle épinière dans différentes pathologies comme les traumatismes médullaires, l’amyotrophie spinale et la SLA. L’utilisation combinée de plusieurs paramètres d’imagerie a permis de retrouver chez les patients  SLA des anomalies au niveau des voies motrices, mais a également de la sensibilité, ce qui est beaucoup moins bien connu dans la maladie.

Fig1

Par ailleurs, certaines anomalies, comme l’atrophie mesurée au niveau de la moelle, étaient très bien  corrélées au déficit moteur. Cette étude ouvre donc des horizons nouveaux pour le diagnostic mais également pour permettre de mieux évaluer l’effet de nouveaux traitements dans la SLA.

L’équipe du Dr Mike Benatar (Emory University, Miami) a présenté des résultats d’une étude utilisant la technique de la spectroscopie au niveau de la moelle épinière cervicale. La spectroscopie est une méthode qui permet de mesurer le taux de certains marqueurs chimiques au sein de régions précise du système nerveux. Des anomalies significatives sont observées chez les patients souffrant de SLA Mike Emery en étudiant des personnes porteuses de la mutation SOD1 mais sans signes cliniques de SLA et en les comparant à des personnes sans mutation a cherché des altérations précoces. Il n’a pas pour l’instant réussi à mettre en évidence de modifications majeures mais son étude continue en l’étendant à d’autres types d’anomalies génétiques comme celles concernant ls gènes TDP-43 et FUS.

Il est maintenant possible de visualiser les racines nerveuses comme le montre une étude réalisée dans un modèle murin de SLA. Dans ce modèle, il est possible d’utiliser des appareils dits à « haut champs », c’est-à-dire possédant des champs magnétiques très élevés. Une équipe australienne (Butler et coll.) montre qu’il est possible de mesurer la taille des racines nerveuses motrices qui sont les voies de sorties des axones moteurs provenant de la moelle épinière. La petite taille de ces structures les rendaient jusqu’à maintenant non accessibles à l’IRM. Grâce à ce nouveau type d’IRM,  ils ont pu montrer que le diamètre des racines motrices était diminué chez les souris malades par rapport à des souris saines. Ces résultats obtenus sont prometteurs pour de futurs développements chez l’homme en raison de l’arrivée d’IRM à « haut champs » utilisables chez l’homme, celles-ci  étant toutefois encore pour le moment réservées aux travaux de recherche. 

II) Essai thérapeutiques

Anticorps anti protéine Nogo-A (GSK1223249)

Fig2

Figure 2 Les anticorps antiNogoA sont une nouvelle approche de neuroprotection visant la jonction neuromusculaire (Pradat et coll., Paris, 2001).
Les approches classiques de neuroprotection ont comme rationnel de protéger les corps cellulaires des motoneurones, qu’elles ciblent  des mécanismes intrinseques comme l’apoptose, au des mécanismes extrinsèques liés à l’environnement, comme l’inflammation. Toutefois ces approches ont montré leurs limites par l’échec de nombreux essais thérapeutiques visant à lutter contre ces mécanismes. Une nouvelle approche vise cette fois à protéger  la jonction neuromusculaire, notamment en ciblant des anomalies musculaires comme l’augmentation de la protéine Nogo-A.

Le Dr Pierre-François Pradat, Pitié Salpêtrière, a présenté des premiers résultats cliniques obtenus avec ce médicament, développé par le laboratoire pharmaceutique GlaxoSmithKline, médicament délivré par voie intraveineuse. L’augmentation dans le muscle des patients SLA de la protéine Nogo-A a été démontrée par des travaux réalisés à la Pitié-Salpêtrière en collaboration avec l’équipe de Jean-Philippe Loeffler (Strasbourg).

Cette protéine ayant comme fonction connue d’empêcher la repousse des axones dans le système nerveux central (Dupuis et col, Neurobiol Dis, 2002 ; Pradat et al, Ann Neurol 2007), le développement d’une thérapeutique bloquant cet excès de protéine pourrait permettre de protéger au niveau de la jonction neuromusculaire la terminaison des nerfs moteurs et de favoriser la repousse des axones.

Fig3

Figure 3 Bloquer l’effet de la protéine Nogo-A (Pradat et coll, Paris, 2001).  La protéine Nogo-A est située sur la membrane des cellules musculaires. C’est une protéine transmembranaire, c’est-à-dire qu’une partie de la protéine est située à l’extérieur de la fibre musculaire. L’anticorps vient neutraliser cette partie de la protéine qui interagit avec le motoneurone. L’effet recherché est de bloquer la cascade de réactions qui aboutissent à empêcher la croissance des axones.

L’étude de phase I où l’antiNogoA a été administré à des malades visait à déterminer la sécurité de son utilisation et sa tolérance chez des patients SLA. Il s’agit d’un essai international, coordonné par le Pr Vincent Meininger, La Pitié-Salpêtrière, Paris). En France le centre d’investigation clinique (CICM) de l’Institut du Cerveau et de la Moelle à la Pitié Salpêtrière a participé à l’étude. L’étude a consisté à tester par voie intraveineuse des doses progressivement croissantes d’anticorps.

Il n’a pas été pas observé d’effets secondaires importants même aux doses les plus élevées. Une crainte était que les patients développent des anticorps dirigés contre le médicament, puisqu’il s’agit d’une protéine, mais un seul patient a développé de tels anticorps et à des niveaux négligeables. De plus, les patients qui ont reçu les doses les plus élevées semblent présenter une évolution plus lente que ceux qui ont reçus un placebo, mais bien sûr il n’est pas possible de conclure en termes d’efficacité à ce stade, cette étude comportant un  nombre de patients trop faible et une durée d’évaluation trop courte. Par ailleurs, il s’agit de données préliminaires, l’ensemble des données de l’essai n’étant pas disponibles.

Un caractère innovant de ce travail est de pouvoir avoir accès directement à l’effet de l’anticorps, sur sa cible, la protéine Nogo-A n’étant pas située dans le système nerveux central mais au niveau périphérique, accessible par voie de biopsie musculaire. Certains patients ont ainsi pu bénéficier d’une biopsie musculaire avant et après traitement, ce qui permettra de mesurer la fixation des anticorps anti-Nogo-A sur leur cible présente à la surface des fibres musculaires et de déterminer si le traitement améliore des paramètres biologiques traduisant l’état d’innervation du muscle, notamment en mesurant les modifications d’expression d’un très grand nombre de gène. Ce type de démarche  permettra d’optimiser au mieux l’essai international qui devrait être conduit en 2012 et aura pour but d’évaluer l’efficacité du traitement.

Carbonate de lithium 

Un essai thérapeutique a été présenté par le Pr Leonard Van den Berg (Utrecht, Hollande). Dans cet essai, les résultats ne montrent pas d’efficacité majeure dans le groupe traité par  rapport au placebo. Il n’y a pas eu non plus d’augmentation d’effets secondaires dans le groupe traité. On attend pour conclure les résultats d’un essai anglais sur un grand nombre de patients qui ne sera terminé qu’au printemps 2012. Seul cet essai anglais conçu pour détecter un effet minime donnera une réponde définitive sur l’intérêt de prescrire du Lithium dans la SLA.

NP001

Le NP001 est un médicament développé par la société Neuraltus Pharmaceuticals (Palo Alto, Californie) spécialisée dans le développement de médicaments pour les maladies dont les besoins thérapeutiques sont majeurs comme pour la SLA. Le NP001 est une petite molécule administrée par voie intraveineuse qui agit au niveau de la régulation de l’activation pathologique des macrophages. Cette activation est possiblement non pas la cause du déclenchement de la maladie mais un facteur impliqué dans son aggravation. Robert Miller (Forbes Norris MDA/ ALS Research Center à San Francisco), qui est l’investigateur principal de l’étude, et un spécialiste de renommée mondiale, a présenté  l’état d’avancement du développement du NP001. Le NP001 est en phase II, après les résultats positifs obtenus en phase I  (résultats de tolérance comme pour tous les essais de phase I). L’essai de phase II est un essai contre placebo, d’une dose forte et d’une dose faible, il comporte donc 3 bras. 105 patients doivent être recrutés pour mesurer la tolérance et l’efficacité du traitement. L’efficacité sera jugée tant sur des paramètres cliniques que biologiques, un impact sur des marqueurs sanguins d’activation des macrophages ayant été trouvé en phase I. 

Cellules souches

La société Neuralstem (Rockville, MD près de Washington), société de biotechnologie qui dispose d’une technologie brevetée de cellules souches neurales humaines, développe des traitements pour les maladies du Système Nerveux Central. Elle est la 1ère compagnie au monde à avoir obtenu l’accord de la FDA (Food Drug Administration, Etats-Unis) pour un essai de phase I, visant à évaluer la tolérance et la sécurité  (et non l’efficacité). de la procédure chirurgicale associée à l’immunosuppression.  Les résultats des 12 patients ont été présentés. Les cellules souches neurales ont été transplantées directement dans la partie inférieure de la moelle épinière (niveau lombaire) soit d’un seul côté, soit de façon bilatérale (5 à 10 injections).  Les auteurs concluent au succès de cette étude, les procédures chirurgicales n’ayant pas entraînées de complications majeures, la tolérance des cellules souches étant satisfaisante pendant le suivi de 4 à 12 mois. Ils ne notent pas d’aggravation de la maladie due au traitement, et constatent en émettant les réserves nécessaires compte tenu du fait que cet essai n’est pas un essai d’efficacité, qu’un patient semble être amélioré et que quelques autres auraient un ralentissement de la progression. Sur la base de ces résultats, Neuralstem a obtenu l’autorisation de mener une étude complémentaire avec une transplantation de cellules souches au niveau de la moelle cervicale afin d’évaluer les effets au niveau de la fonction respiratoire.