Accueil > Fondation Thierry Latran > Actualités > 3ème réunion scientifique de la Fondation Thierry Latran

Les investigateurs principaux des 22 projets financés par la Fondation accompagnés des chercheurs directement impliqués sur les projets étaient réunis pour présenter l’avancement de leur recherche. 50 scientifiques  étaient présents, venant de toute l’Europe. Chaque projet a été présenté puis discuté par le chairman, le Pr Wim Robberecht (Belgique), président du conseil scientifique de la Fondation et par les membres du conseil scientifique. Cette réunion qui se tient à huis clos pour garantir la confidentialité des échanges, a plusieurs objectifs, outre le suivi précis de l’avancement des projets par le Conseil Scientifique, une meilleure connaissance des pistes en cours d’exploration, un échange d’idées et de techniques de recherche.  « Rien ne vaut un échange personnel pour accélérer les recherches » nous disait un participant, « merci à la Fondation Thierry Latran ! »

 

Nous vous présentons deux projets mis en perspective par les chercheurs :

 

Delphine Bohl, Institut Pasteur de Paris, France

Delphine Bohl, Institut Pasteur de Paris, France

 

Sur cette photo, Delphine Bohl présente les résultats de son projet Motoneurones humains dérivés de cellules souches pluripotentes induites : une nouvelle approche d’étude et de traitement de la SLA sporadique

 

 

 

Objectif neurorégénération : les avancées de la thérapie cellulaire

Notre laboratoire s’intéresse à la mise en place de nouveaux modèles cellulaires pour étudier la SLA. Jusqu’à présent les modèles disponibles étaient des modèles animaux ou bien des tissus de patients a un stade terminal de la maladie. La possibilité de pouvoir travailler directement avec les cellules humaines affectées dans la SLA, c’est-à-dire les motoneurones humains, n’existe que depuis la mise au point d’une technique unique décrite par l’équipe du Dr Yamanaka au Japon en 2007. Il s’agit de la reprogrammation de cellules de peau, telles que des fibroblastes qui sont faciles à prélever chez un individu, en cellules pluripotentes (appelées iPS) c’est-à-dire capables de se différencier en tout type cellulaire de l’organisme dont des motoneurones. Notre objectif est de créer des modèles cellulaires humains à partir de cellules de patients ayant des formes familiales et sporadiques de SLA pour pouvoir étudier la maladie.

Nous avons mis au point cette technique et nous avons obtenu des fibroblastes de volontaires sains et de trois patients atteints de SLA familiale et sporadique, que nous avons reprogrammés en cellules iPS. Afin de disposer d’autres cellules de patients, nous avons mis en place depuis deux ans un protocole biomédical entre l’Institut Pasteur et des médecins spécialistes de la SLA appartenant à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Après rédaction du protocole et accords des instances françaises, ce protocole nous permettra dans les prochains mois de disposer de nouvelles cultures de fibroblastes de patients qui seront reprogrammés en iPS. D’autre part, nous avons mis en place des protocoles permettant de différencier ces cellules iPS en précurseurs neuraux capables ensuite de se différencier progressivement en neurones et en motoneurones. Mais actuellement, comme dans tous les laboratoires travaillant dans le monde avec ces cellules iPS pour modéliser des maladies, les protocoles ne permettent pas encore d’avoir des cultures pures de neurones ou de motoneurones qui sont nécessaires pour pouvoir étudier uniquement ce qui se passe dans les cellules affectées par la pathologie. Nous travaillons sur cet aspect en utilisant des outils technologiques que nous connaissons bien dans le laboratoire depuis des années : les vecteurs de transfert de gènes. Ces vecteurs permettent de forcer l’expression d’une protéine fluorescente dans un type cellulaire ciblé. Nous appliquons cet outil pour pouvoir repérer et trier les motoneurones dans nos cultures. Enfin, nous avons commencé à étudier des défauts pathologiques dans les cellules des patients. L’accumulation d’inclusions dans le cytoplasme des cellules est une caractéristique de la SLA. Ces inclusions peuvent notamment contenir la protéine TDP-43. Pour l’instant nous n’avons pas observé ces inclusions dans les iPS ou les motoneurones des patients, témoignant que cette accumulation est peut être tardive dans la maladie. Par contre nous avons observé que certaines caractéristiques biochimiques de la protéine TDP-43 étaient altérées. Nous poursuivons nos investigations tout en analysant également d’autres défauts tels que la survie et la croissance des motoneurones. Nous pensons que ce travail conduira à l’identification de défauts pathologiques communs ou divergents entre les différentes formes de SLA, ce qui pourrait permettre d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.

La thérapie cellulaire est un nouvel espoir pour la SLA. En collaboration avec le laboratoire du Dr Pochet (Université Libre de Bruxelles) nous avons réalisé un travail actuellement soumis pour publication et dans lequel nous décrivons pour la première fois le devenir de précurseurs neuraux dérivés des iPS humaines après transplantation dans la moelle épinière d’animaux modèles de SLA. Nous avons montré que les cellules transplantées survivaient et se différenciaient en neurones dans l’environnement SLA des animaux, faisant la preuve que ces cellules sont un espoir possible pour une thérapie cellulaire chez l’homme.

 

Séverine Boillée, Institut du Cerveau et de la Moelle, Paris, France

Séverine Boillée, Institut du Cerveau et de la Moelle, Paris, France

 

 

Sur cette photo, Séverine Boillée présente les résultats de son projet Etude des interactions entre les cellules microgliales/ macrophages et les motoneurones pour rechercher de nouvelles cibles thérapeutiques

 

 

Objectif neuroprotection : autour du neurone

 

Une avancée majeure dans la recherche a été de montrer que les motoneurones n’étaient pas les seules cellules impliquées dans la SLA et que d’autres cellules participaient à la dégénérescence ainsi, accéder à ces différents acteurs pourrait permettre de mieux cibler les motoneurones. Le thème général de notre recherche concerne les interactions entre les motoneurones qui sont les cellules qui dégénèrent dans la SLA et les cellules microgliales, macrophages (cellules immunitaires) du système nerveux central et les macrophages à la périphérie (dans les nerfs). Nos travaux antérieurs ayant montré que les cellules microgliales/ macrophages participaient à la progression de la dégénérescence des motoneurones, nous souhaitons étudier ces cellules et s’en servir pour ralentir la progression de la maladie en ciblant la phase symptomatique qui est celle importante  atteindre à la fois dans les cas de SLA familiale mais aussi les cas sporadiques.

Nous étudions 3 aspects de ces interactions entre les motoneurones et les cellules microgliales/macrophages.

 

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Le premier aspect concerne les facteurs produits par les motoneurones et qui peuvent agir sur les cellules microgliales en les activant (les rendant toxiques) ou en les attirant autour de motoneurones (amplifiant leur effet délétère). Grâce au financement de la FTL, nous avons pu identifier un de ces facteurs, une chimiokine (cytokine au potentiel chimioattractant), exprimée par les motoneurones et dont le récepteur est exprimé par les cellules microgliales . Les études sont en cours pour révéler si bloquer cette voie permet d’augmenter la survie des motoneurones.

Le deuxième aspect de ce projet est d’étudier les facteurs libérés par les cellules microgliales et qui peuvent être toxiques pour les motoneurones pour à terme les bloquer et rendre les cellules microgliales moins délétères pour les motoneurones. Avec le financement de la FTL, nous avons montré que les cellules microgliales, une fois activées pouvaient libérer plus de facteurs connus pour être toxiques pour les motoneurones et surtout, nous avons identifié une voie impliquée dans la libération ou la production de ces facteurs En utilisant un modèle murin chez lesquelles cette voie est bloquée, nous souhaitons maintenant savoir si cette voie est impliquée dans la dégénérescence motoneuronale. Si cette étape est franchie, nous pourrons utiliser des bloquants de ce système (qui existent déjà) en premier lieu dans les modèles de SLA pour évaluer leur effet protecteur sur la survie des motoneurones.

Le dernier aspect de notre projet concerne les macrophages périphériques. Sachant que les cellules microgliales sont les macrophages du cerveau et de la moelle épinière et qu’elles participent à la mort des motoneurones dans les modèles de SLA, nous souhaitons savoir si les macrophages, nombreux et activés au cours de la dégénérescence des motoneurones, dans les nerfs, participent aussi à la maladie. Les macrophages à la périphérie étant plus accessibles que ceux dans la moelle épinière, l’idée ici est de les utiliser pour cibler les motoneurones plus facilement. Afin, dans un premier temps, de révéler si ces macrophages sont actifs au cours de la maladie, nous avons dû mettre au point un protocole  permettant d’atteindre ces macrophages périphériques sans toucher aux cellules microgliales. Le financement de la FTL nous a permis d’aboutir à la mise au point de ce protocole et nous sommes maintenant capables de remplacer, dans ce modèle murin,  les macrophages en périphérie (et notamment dans le nerf). La finalisation de ces expériences permettra de savoir si les macrophages sont eux aussi toxiques pour les motoneurones et s’ils peuvent être utilisés pour ralentir la progression de la mort neuronale.