Home > Tribune > « La relation médecin/malade n’est pas sous-traitable » par Michèle Fussellier

La relation entre le patient et son médecin, si singulière au cours de la SLA, est l’objet de cette troisième partie de la tribune de Michèle Fussellier.

La relation médecin/malade prend aussi dans cette pathologie, dans d’autres sans doute, un relief particulier.

Il est important pour le praticien de cerner son patient : veut-il savoir, tout savoir ou ignorer ; l’incertitude nourrit la force de vie, le rêve aussi qui dénote, selon Freud, la réalisation symbolique d’un désir.

Expliquer est compliqué, chronophage et pourtant nécessaire, car le patient veut entendre de son médecin les commentaires utiles à propos de ce qui arrive, de ce qui va arriver. Le malade ne se privera pas d’ailleurs de faire des recoupements en questionnant d’autres soignants, en interrogeant éventuellement internet pour vérifier, avant de s’approprier définitivement ce qui a été dit et conduire sa nouvelle trajectoire de vie.

Avec ce patient SLA, généralement conscient, hyper attentif, dont la douleur réside d’avantage dans le constat de ce corps qui se dégrade et dont il en est le spectateur impuissant, la juste position du praticien est difficile à trouver. Le patient attend de lui que puisse s’instaurer une relation de totale confiance. Il est impossible de se dégager de cette contrainte même en faisant appel à quelques substituts psychologiques ou éthiques, sans résonnance avec ce besoin d’une relation forte et confiante avec celui qui sait (?) et qui désormais va proposer une gestion de cette signifiante tranche de vie. Chacun sait qu’il est mortel, concept ne prenant pourtant vérité qu’à l’annonce du diagnostic d’une maladie grave. Le praticien est alors ce dernier bras tendu avant l’après.

L’annonce du diagnostic est un moment particulièrement difficile, où il faut repérer la quête de savoir et où il faut s’assurer de la compréhension des propos tenus.
Cette position du médecin face à l’annonce est difficile, lui imposant vérité et respect, humilité et modestie devant une souffrance grandissante où le contact humain se veut rassurant, et indispensable. Naturellement, devant la difficulté à établir une relation aux exigences fortes et toujours spécifiques, le résultat n’est pas toujours à la hauteur de l’effort. Un juste positionnement, de neutralité objective est à trouver, entre l’engagement à faire tout ce qui est possible, sans interférer sur les choix qui seront tôt ou tard seront déterminants.

Néanmoins la relation médecin/malade n’est pas sous-traitable auprès d’un quelconque substitut encore moins s’il s’agit d’une technique dut elle être performante. La télémédecine semble inapplicable, la télésurveillance possible. Elle se pratique déjà.
En filigrane se repère bien ici ce besoin réel d’économies en matière de santé. Une organisation plus fédératrice, moins personnelle du soin à MON malade qui n’est pas ma possession, conduirait sans doute à quelques substantielles économies.
Le patient SLA est dans un positionnement psychique bien au-delà du complexe d’Œdipe mal réglé ou du divorce des parents mal vécu, comme cela est encore souvent évoqué.

Tout aussi éprouvante est ce moment où le patient rejette son état, ne veut plus de cette vie, et demande que cela s’arrête.
La loi Leonetti, précédée du profond sillon tracé par B. Kouchner dans la loi du 4 mars 2002, apporte quelques éclairages à une situation où se joue la finitude d’une vie devenue insupportable pour l’un, et le désir fort, de prolongation de cette présence douloureuse et douce pour l’autre.

La SLA prive physiquement le patient de sa liberté d’écourter sa vie, ce qui implique une assistance du fait de son état, assistance médicale ou autre, néanmoins d’une gravité sans précédent.

En lire plus :

Première partie : Tribune : « la SLA, un paradigme de santé publique » par Michèle Fussellier

Deuxième partie : Tribune de Michèle Fussellier : du big bang aux cellules souches

Troisième partie : « S’assumer dans la réalisation du possible » par Michèle Fussellier

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