Home > Tribune > « S’assumer dans la réalisation du possible » par Michèle Fussellier

Mais en attendant ?

La trajectoire est tout aussi longue que courte.

Comment vivre avec ce corps devenu étranger, qu’on ne reconnaît plus, qui n’est plus le « chez-soi » habituel.
Il faut s’assumer dans la réalisation du possible, se maintenir en éveil face à l’énigme sans réponse, du quand et comment, et ce dans un inévitable contexte d’angoisse.
Le rapport – soi à soi et soi à autrui – se transforme et s’édifie sur d’autres bases, avec cette existence qui vacille, désormais rivée à la vulnérabilité, et à la souffrance qui défait la belle ordonnance d’une vie en harmonie avec un monde jusqu’alors organisé.
La souffrance prend de fait un relief paradoxal, celui de la passivité pour « supporter/subir » de façon oppressante et celui de démarche active pour « supporter/engager » cette reconstruction de vie. On l’imagine le souffrant, dans ce contexte, a besoin d’un autre qui se fasse proche de lui, sans jamais se confondre, sans jamais s’identifier à lui, afin de laisser intacts sa sphère d’activité, son domaine d’intervention et de gestion de sa maladie, de son confort, de son bien-être, de ses sentiments.
En effet vivre c’est choisir, décider, vouloir et pouvoir révéler les étonnantes ressources de son psychisme d’où émerge la maladie au travers de son propre passé relationnel et familial.
Chacun est porteur d’une histoire singulière, d’une relation à l’autre personnelle.
De même pour celui qu’on appelle l’aidant, subitement projeté dans un scénario de soutien et de solidarité, le positionnement n’est pas simple, avec ce devoir de respect, d’efficacité contenue, ne pouvant parfois faire oublier quelque contentieux encore vivace.

Cette maladie désorganisatrice de la vie de la famille – quand elle existe – va orienter une part de l’activité vers la recherche des substituts adaptés aux divers handicaps. Il faut anticiper mais aussi convaincre. Le passage au fauteuil, à la gastrostomie, à l’ordinateur permettant une possible communication….. sont autant d’étapes stigmatisant l’évolution inéluctable de la maladie, avec pour le patient ce désir d’évitement, faisant croire encore à certaines performances que malheureusement le temps déjouera rudement parfois.
Naturellement cette préoccupation essentielle de recherche du correctif, où le décalage entre l’aidant qui souhaite la mise en place rapide de tel ou tel substitut au handicap, et le patient qui en recule l’échéance, occupe une partie de l’espace. Ce désir ardent de la preuve du – encore possible – alimente la part de rêve, tellement nécessaire au déroulement d’une vie mutilée.

L’objectif d’une vie, comme les autres, est aussi d’avoir des activités communes et pouvoir partager des joies. Pouvoir encore voyager, aller au restaurant, au théâtre, au concert, au stade sont autant de déplacements longtemps possibles, un peu plus compliqués certes, car il faut anticiper l’organisation et solliciter les aides nécessaires.

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Retrouvez la tribune de Michèle Fussellier « SLA, un paradigme de santé publique » (première partie) « du big bang aux cellules souches » (deuxième partie), et découvrez le site SLA Pratique.

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